D'emblée, ce qui frappe lorsque l'on rencontre pour la première fois Philippe Aïni, c'est le magnétisme et la chaleur qu'il dégage. La poignée de main est ferme, bien qu'il préfère une bise. Les bacchantes broussailleuses, l'accent paillard qui fleure bon le sud-ouest, le regard pétillant et plein d'intelligence, tout confère à nous donner envie d'explorer la personnalité et les œuvres de cet artiste vigoureusement original, pour qui, créer et un véritable pied de nez à la condition humaine et surtout à la mort.
Aïni est rentré en Art comme on entre en Guerre, pour combattre avec ses tripes, ses mains et toute son âme, la suprême bêtise de notre destin. Ce qui le titille, c’est d’inscrire la vie dans ses œuvres et de rendre un hommage vibrant, sensuel, érotisé au plus haut point et même parfois barbare, à la femme. Aïni est un éternel amoureux de la femme, la génitrice dont il fouille la matrice avec délectation.
Aïni est un fébrile, au sens le plus honorable du terme, puisque c’est de là que naît souvent la création la plus sincère. A lui de raconter qu’une nuit, alors que le sommeil le trahissait, il s’est mis à gratter fiévreusement son matelas au point d’en extirper le rembourrage. La douceur, la chaleur et la portée symbolique de ce matériau furent pour lui comme une illumination, une révélation. La bourre, qu’il appelle "l’éponge à rêves ou à fantasmes" deviendra sa matière première. Il la trouve depuis, tel un précieux filon dans de vieux matelas sur lesquels des gens sont nés, se sont aimés, ont joui et peut-être également sont morts. Entre les ressorts du matelas, comme dans un ventre offert, il fouille, arrache la bourre comme s’il s’agissait d’une précieuse moelle et laisse au rebut la carcasse inutile du matelas. La matière devient ainsi un symbole inouï de la vie.